Paris Finance l'Autonomie Vaccinale de l'Afrique : Un Milliard pour l'Indépendance ou Néo-Colonialisme Sanitaire?

Explorez comment le Forum mondial à Paris s'engage avec plus d'un milliard d'euros pour booster la production de vaccins en Afrique. Un acte de soutien ou un paradoxe de la souveraineté africaine? Découvrez les implications de ce financement pour l'avenir de la santé publique africaine.

Paris Finance l'Autonomie Vaccinale de l'Afrique : Un Milliard pour l'Indépendance ou Néo-Colonialisme Sanitaire?

À Paris, le 20 juin dernier, un montant substantiel de plus d'un milliard d'euros a été engagé pour catalyser la production de vaccins sur le continent africain, un geste fort pour « renvoyer le choléra au passé », selon les mots du président Emmanuel Macron. Cet engagement a été prononcé lors du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, coorganisé par l’Union africaine et GAVI, l'Alliance du vaccin. Mais cet événement, hautement médiatisé et se déroulant à des milliers de kilomètres des bénéficiaires africains, incarne-t-il une véritable avancée ou un paradoxe de la souveraineté africaine?

Un Fondement Prometteur

Le forum a vu le lancement de l'AVMA (African Vaccine Manufacturing Accelerator), avec une promesse de dons atteignant 1,2 milliard de dollars pour soutenir le développement de capacités de production vaccinale sur le continent. Le laboratoire sud-africain Biovac a été particulièrement mis en avant, avec un investissement de 10 millions d'euros pour l'établissement d'une chaîne de production dédiée au vaccin anticholérique, attendue pour être opérationnelle d'ici deux ans.

L'ironie d'une autonomie africaine déclarée à Paris

Il est ironique de constater que l'autonomie africaine en matière de santé publique est proclamée et financée depuis la capitale française. Cette situation soulève des questions sur l'authenticité de l'indépendance pharmaceutique africaine lorsque ses fondements sont posés dans des salles de conférence européennes. Cette dépendance aux fonds et à l'expertise étrangers peut-elle vraiment conduire à une souveraineté durable ou n’est-elle qu’une autre forme de néocolonialisme sanitaire?

La Concentration des Pouvoirs et des Ressources

Bien que l'Union européenne et d'autres grands donateurs financent les trois quarts de l'AVMA, ce mécanisme peut être perçu comme un double tranchant. D'un côté, il promet de réduire les coûts exorbitants des vaccins importés, qui représentent aujourd'hui près de 99 % de la consommation africaine. De l'autre, il place l'Afrique dans une position de dépendance vis-à-vis des priorités et des agendas occidentaux.

Vers une Véritable Souveraineté

Le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a rappelé que l'enjeu est vital, pas seulement en termes de santé mais aussi de logique économique. L'objectif est ambitieux : produire 60 % des vaccins consommés par les 54 pays du continent à l'horizon 2040. Mais pour y parvenir, il faudra une augmentation significative des investissements locaux dans la recherche, la technologie, et surtout dans l'éducation et la formation des cadres africains.

La Nécessité d'Un Cadre Réglementaire Solide

La qualité des médicaments est une autre préoccupation majeure. L'AVMA s’appuiera sur les pays dont les autorités de réglementation ont atteint une classification de niveau 3 de l'OMS. Cependant, pour que l'Afrique puisse non seulement produire mais aussi exporter des vaccins, une harmonisation et une amélioration continues des normes réglementaires seront cruciales.

Conclusion

Le forum de Paris, bien qu’étant une vitrine de l'engagement international envers l'Afrique, met en évidence le long chemin qui reste à parcourir pour atteindre une véritable souveraineté vaccinale. L’Afrique a besoin de partenaires qui respectent sa vision et soutiennent son autonomie sans imposer de conditions. Tant que les décisions concernant la santé des Africains seront prises dans des capitales étrangères, l'objectif de souveraineté restera partiellement inassouvi. Pour que l'AVMA réussisse, il ne suffira pas de construire des usines; il sera essentiel de construire des ponts entre les savoirs africains et globaux, favorisant un écosystème de santé publique dirigé par et pour les Africains.